17 mars 2007

Il était une fois de la mauvaise foi ...

Le développement durable souffre de nombreuses idées reçues. Aussi je me réjouissais de la campagne "recyclons les préjugés" initiée depuis quelques semaines par Eco-Emballages. La saga avait bien commencée puisqu’on cassait par exemple l’idée reçue qu’il "faut laver les emballages avant de les trier", ce qui est inutile, ou qu’on double-cassait le préjugé que « trier ne sert à rien, tout finit dans les mêmes bennes ».

Mais j’ai sursauté à l’analyse du préjugé n° 5 "Les emballages envahissent nos poubelles" auquel Eco-Emballages répond "faux" en le justifiant par le fait que "ces emballages ne représentent que 20 % du poids total et que c’est beaucoup moins qu’il y a 10 ans". Je ne pense pas que ce type de déclaration soit ni très responsable ni très performante en terme de pédagogie. Tout d’abord, même si on constate une légère baisse ces deux dernières années, le tonnage des ordures ménagères a doublé entre 1960 et 2003 pour atteindre près de 400 kg par an et par habitant. Ensuite, on parle de poids alors que pour le consommateur c’est surtout le volume des emballages qui est significatif (qui fait ses courses sait qu’une fois déballées vous pouvez déjà descendre un sac entier de sur-emballages). Les emballages (bouteilles, cartons, boîtes de conserve, sacs...) représentent aujourd'hui en volume entre 1/3 (source Ademe) et 1/2 (source CNIID) du contenu de nos poubelles. Chaque ménage jette en moyenne 10 emballages par jour.
Même s’il est vrai que les industriels font des efforts pour faire baisser le poids unitaire de chaque emballage, il y a encore trop peu d’efforts réalisés dans la suppression radicale des sur-emballages (qui n’ont souvent de justification que leur fonction de support à la publicité sur le lieu de vente) ou même dans l’éco-re-conception des emballages et des produits (à l'instar de système de consigne ou de remplissage comme cela existe dans d’autres pays). Oui, il y a encore loin au "juste emballage" : un emballage qui se limite à protéger le produit et à donner des informations réglementaires.

Mais la réponse d’Eco-Emballages au préjugé 4 "les contribuables sont les seuls à payer" m’avait déjà interloqué en y répondant "faux" et en expliquant que les coûts étaient partagés par les entreprises, les collectivités et les citoyens. Ce qui ne me semble pas très "juste" car in fine… les entreprises payent effectivement une éco-taxe, ridicule d'ailleurs, mais elle est répercutée dans le prix de vente payé … bien sûr par le consommateur (pour l’électro-ménager cette éco-participation est d’ailleurs bien mieux mise en exergue sur l’affichage prix, ce qui peut avoir un effet pédagogique), les collectivités locales financent le traitement des déchets avec … les impôts du citoyen, du contribuable. Bref, c’est bien le citoyen, contribuable et consommateur qui paye.

Il faut rappeler ici quEco-Emballages est une société financée par les industriels et j’ai peur que dans cette campagne cet organisme n’ait parfois confondu sa mission "de mise en place des filières de recyclage et de la collecte sélective" (grâce à un agrément public) avec celle d’un lobby des producteurs et utilisateurs de l’emballage. Cette ambiguïté est d’ailleurs à l'image du fameux Point vert d’Eco-Emballages qui mériterait d’être passée au crible du faux préjugé. De nombreux consommateurs pensent en effet que ce logo, apposé sur un produit, signifie qu’il est recyclable alors que, nenni, en réalité il indique uniquement la participation financière de l’industriel à la filière globale du recyclage.

Publié dans une version initiale le 12 mars 2007 sur mon autre blog d'Economie matin.fr

3 commentaires:

Anonyme a dit…

les entreprises payent effectivement une éco-taxe, ridicule d'ailleurs, mais elle est répercutée dans le prix de vente payé …

Et je préciserais que bon nombre d'entreprises (maçon, agriculteurs, porchers, mécaniciens et autres)pour rentabiliser encore plus cette répercussion brulent tous leurs déchets plutôt que de les faire retraiter (ce qui leur couterait du temps et de l'argent)

Unknown a dit…

Bonjour,
Sur les préjugés, il existe une manière intéressante de les travailler. Cela s'intitule "travailler sur les schémas mentaux" et une pratique est développée dans le guide de terrain de la cinquième discipline. Ce livre que je recommande fait suite à celui de Peter Senge sur les organisations apprenantes.

Anonyme a dit…

@Manuel, serait-il possible d'avoir plus de précisions ? des références d'article, de sites ou de livre ?

les associations on travaillé le sujet avec Eco Emballages, les prochaines livraisons devraient permettre d'éviter les bourdes illustrées dans cet article !