03 juillet 2012

Ma médiathèque idéale dans Kaizen

Le magazine Kaizen revient sur mon expérience de compost collectif à Paris dans son n° 3 de juillet mais il m'a également demandé de lui proposer ma "Médiatèque idéale" à découvrir ci-dessous : 

Ecouter 
1 / Jean-Louis Murat - CHEYENNE AUTUMN 
Nous avons quelques points communs : auvergnat (d’importation pour moi), teigneux (mais je me soigne) et viscéralement « paysan ». Et un morceau qui m’habite : Déjà deux siècles …89 
2/ Téléphone – Crache ton venin De ma passion du rock et de Téléphone en particulier j’ai gardé l’énergie et la rebellion contre l’ordre établi ou la fatalité. « si tu laisses quelqu’un prendre en main ton destin, c’est la fin … ». 
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3/ Le Petit Prince 
La bible de l’agnostique que je suis. En fait je suis croyant, je crois en l’homme surtout quand il sait s’occuper aussi bien d’une rose, qu’il est capable d’apprivoiser un renard ou qu’il est sensible à la magie des couchers de soleil . « On ne voit bien qu’avec son cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux » … 
4/ Manuel de Transition – Rob Hopkins 
Comment concrétement réinveter l’économie de nos territoires pour qu’ils puissent devenir résilients face à la conjonction du dérèglement climatique (largement popularisé) et du pic pétrolier (moins connu et pourtant si important). Une méthode pragmatique basée sur l’intelligence collective et la joie de vivre. 

5/ L’Homme qui plantait des arbres - Giono et/ou le film d’animation éponyme 
Je l’ai beaucoup offert à des enfants comme un papa offre un train électrique pour se faire plaisir … Un peu déçu d’apprendre que l’histoire n’est pas vraie, ce qui n’enlève rien à sa beauté. J’ai depuis découvert la puissance immense de cet acte de planter un arbre pour aujourd’hui mais surtout pour demain. 
6/ Ecologica – André Gorz 
Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt, l’écologie politique est une remise en cause du système capitaliste, consumériste et productiviste. Ce recueil de textes permet d’appréhender l’essence de la réflexion et de la critique sociale de ce philosophe moderne.  
Regarder 
7/ Soleil Vert de Richard Fleischer 
Tout y est : nous sommes en 2021, dérèglement climatique, raréfaction des ressources, inégalités, émeutes de la faim … Espérons que ce long-métrage de science-fiction ne passera pas au rayon documentaire et qu’au soleil vert nous préférerons les légumes bio du jardin … 
8/ Ici Najac à vous la Terre de Jean-Henri Meunier
Un peu dingues mais tellement humains ces habitants de Najac qui résistent, comme un village de gaulois, à la sinistrose et à ce mode de vie qu’on veut nous imposer malgré nous. Comme eux, réveillons-nous et soyons fous ! 
9/ Le Syndrôme du Titanic de Nicolas Hulot 
Ce film n’a pas trouvé son public comme on dit pudiquement, tout comme son inspirateur ses militants dans la primaire écologiste ;-) Pourtant ce film est beau à pleurer dans le constat impitoyable qu’il fait de nos enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Comme lui, « je ne suis pas né écologiste » … 
Kaizen magazine : Quel a été votre dernier, ou quel sera votre prochain petit pas pour tendre vers un monde plus harmonieux, plus équilibré ? 
Je reviens d’une formation en apiculture et repars cet été me former à la permaculture. Désapprendre, apprendre, ré-apprendre, c’est une piqûre d’humilité et d’ouverture d’esprit pour se mettre en mouvement vers une société en transition, résiliente, ré-inventée, plus harmonieuses et plus équilibrée … 

02 juillet 2012

Don't Warré, be happy-culteur !


Le compost est pour moi une boite de pandore … Après avoir initié un compost collectif au pied de mon immeuble à Paris il y a 4 ans, un jardin partagé a pris la suite logique du projet et enfin quelques ruches y ont été installées. Même si l’apiculteur qui conduit notre rucher m’initie progressivement à la pratique à chacune de ses visites, ces dernières sont trop peu fréquentes par rapport à mon appétit d’apprendre. Aussi ai-je décidé de m’inscrire à une formation d’une semaine d’initiation à l’apiculture.
C’est comme cela que je me retrouve en ce lundi de juin au lycée agro-environnemental de Tilloy les Mofflaines dans la banlieue d’Arras (62). Si le lycée est public, ma chambre d’internat est quelque peu monacale, peut-être un signe inconscient des religieux qui ont beaucoup œuvré et écrit sur l’apiculture* ;-) La cloche sonne et nous sommes accueillis par Sébastien, notre formateur. Il enseigne l’apiculture en formation continue et de façon plus générale la biologie dans ce lycée, il est bien entendu apiculteur amateur lui-même sans parler de sa participations aux activités du syndicat et du Groupement de Défense Sanitaire Apicole de la région.
Cette formation va pratiquement être du cours particulier puisque nous ne sommes que 6 stagiaires avec pour le moins des profils très différents, du néophyte complet aux amateurs plus ou moins éclairés et pratiquants qui ont déjà mis un peu la main à la … ruche mais souvent en étant accompagné. Ainsi Fanny est une future maraîchère bio qui souhaite compléter son activité d’un atelier rucher ; Lucien est un soudeur de métier et colombophile de passion, il vient d’acheter un terrain sur lequel traîne une ruche et comme il a lu que la propolis permettait de soigner naturellement les oiseaux … Olivier est employé d’une entreprise qui a installé des ruches sur son patrimoine et enfin Jean-Yves et Sophie enseignent dans le lycée agricole qui organise la formation. Jean-Yves a contracté le virus de cette passion au contact de Sébastien notre formateur notamment à l’occasion d’un voyage humanitaire apicole à Madagascar, Sophie a elle déjà 4 colonies à la maison. Notre objectif commun après cette semaine : pouvoir conduire un rucher en autonomie.
Jour 1 Notre formation alternera théorie chaque matin et pratique l’après-midi. Dés le premier matin on découvrira la biologie de base de nos nouvelles amies : anatomie, cycle évolutif, organisation de la colonie, différentes races, … Le rythme est soutenu, on en oublie la pause et c’est bien tard que nous allons déjeuner où la formation continue dans des discussions informelles et déjà passionnées. Bref, c’est peu dire que les stagiaires sont motivés ! Mais place à  la pratique, après avoir enfilé nos protections et embarqué le matériel, destination un verger où un rucher a été installé pour, au-delà de la récolte de miel, favoriser la pollinisation de ses arbres fruitiers. L’enfumoir allumé préviendra les abeilles que nous arrivons, on dit parfois également qu’il rassure l’apiculteur ;-) Voici enfin le moment magique de l’ouverture de la ruche. Quel envoûtement que le vrombissement de la colonie qui suit le jet de fumée blanche. Après quelques minutes, l’appréhension se maîtrise progressivement, enhardi j’enlève mes gants car comme tout bon jardinier qui veut sentir sa terre, ici toucher et délicatesse des gestes sont importants. Nous mettons des images sur la théorie du matin : de l’œuf au couvain, réserves de pollen et de miel, … Nous nous amusons à prendre en mains les faux bourdons parmi les abeilles. Comme un bon cavalier doit tomber mille fois, un apiculteur se fera piquer de nombreuses fois avant d’atteindre le Graal de saint Warré*. C’est fait, j’enlève le dard, la piqure est presque un baptême initiatique.
Jour 2 Ce matin mon doigt a un peu gonflé mais je suis fier de ma blessure de guerre qui prouve ma bravoure de la veille ;-) Le calendrier apicole est au programme de ce matin. Eh oui conduire un rucher n’est pas une sinécure, les abeilles domestiques demandent suivi et soins tout au long de l’année. Notre enthousiasme et notre curiosité ne sont pas émoussés. Les questions fusent, difficile pour le formateur de contenir toutes les demandes sur des points qu’il est prévu d’aborder dans les jours à venir. L’après-midi dans un autre rucher passe vite et pourtant nous avons ouvert une dizaine de ruches, analysé leur état (bourdonneuse, orpheline), cherché, parfois trouvé et marqué la reine, réintroduit des cellules royales , …  Nous sommes comblés de voir tous ces cas de figure. Pas de piqûre aujourd’hui mais je me suis brûlé le pouce sur l’enfumoir, le métier rentre ! Et comme hier déjà, ce soir je sens la fumée comme si j’avais passé ma journée devant un feu de bois. C’est bien fatigué et des images d’abeilles plein la tête que je vais tomber dans les bras non pas de Morphée mais d’Apis mellifera mellifera.
Jour 3 L’élevage de reines et les règles d’implantation du rucher sont au menu du matin. Nous visitons l’après-midi un nouveau rucher dont certaines ruches sont suspectées de pathologie. Le rapport de visite de la première ruche est parfait, du couvain en masse, du pollen à revendre (nous en récupérons d’ailleurs dans la trappe adhoc), du miel en stock et une grande activité dans laquelle nous repérons quand même la reine qui sera marquée. Les visites des 4 autres ruches déboucheront sur le constat de la présence d’un virus. Comme tout animal l’abeille peut aussi souffrir de maladies. Voici un beau cas d’école un peu en avance sur notre cours sanitaire. Les ruches malades vont être emmenées pour être mis en quarantaine afin d’éviter la contagion. Avec un peu de chance les avettes arriveront à combattre seules la maladie et surviveront car à ce jour point de médicament pour soigner ce mal. Au retour à la miellerie tout notre matériel sera désinfecté au chalumeau, à l’eau de javel, à l’alcool …
Jour 4 Une matinée de bon goût puisqu’il sera question des produits de la ruche. Pollen, gelée royale, propolis et bien évidemment miel. Après avoir abordé la constitution de ces produits, leur récolte, conditionnement et commercialisation nous dégusterons différents miels : du plus local produit sur le site de Tilloye aux plus lointains (un miel de litchie et un autre de framboisier en provenance de Madagascar), du plus solide (un miel de colza) au plus liquide en passant par un crémeux (du Queyras), quelle abnégation que celle de l’élève apiculteur ! L’après-midi se déroulera à la miellerie où nous découvrons le matériel de récolte et de conditionnement (bac de désoperculation, maturateur et extracteur). Comme tous les greniers, celui de la miellerie ne manque pas de ressources. Après avoir passé en revue les nombreux modèles de ruches existant (Dadant, Warré, Langstroth sans parler de quelques antiquités), place à l’atelier bricolage pendant lequel nous filons des cadres puis y fixons des plaques de cire gaufrées en y faisant circuler un courant bas voltage.
Jour 5 Dans cette ultime journée il sera question des différentes pathologies auxquelles peuvent être confrontées les colonies. Sur les 29 agents pathogènes qui agressent nos amies, un seul, le varroa, peut être traité avec un médicament. Mais comme le dit Sébastien, on gère le varroa mais on ne peut l’éradiquer. Loque américaine et européenne, mycose, nosémose et fausse teigne finissent de nous refroidir un peu mais nous comprenons également que mieux nous nous occuperons de nos colonies et plus elles auront la capacité d’y résister. Avant de se quitter pour aller mettre en application notre apprentissage nous irons enrucher 2 colonies et disperser les habitantes d’une ruche bourdonneuse.
Une semaine riche en émotions et sensations. La découverte d’une organisation sociale et d’une intelligence collective dont nous avons sûrement à apprendre … mais aussi celle d’un animal aussi mystérieux qu’attirant que Michelet qualifiait de « pontife ailé de l’hymen des fleurs ».
*L’abbé Warré a écrit le traité « L’apiculture pour tous » et a donné son nom à un type de ruche encore appelée « ruche populaire ». Frère Adam a créé une race hybride la Buckfast.
nb : je vous recommande ce livre qui vient de sortir : «Une vie pour les abeilles», un échange entre Henri Clément, apiculteur cévenol et porte parlole de l’Union Nationale de l’apiculture française, et le journaliste Philippe Bertrand.
Photo 1 Copyright Anne-Lore Mesnage