J’assistais le 2 février dernier à Paris à la conférence-débat, organisée à Sciences-Po par l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales, à laquelle était convié, en guest-star, Sir Nicholas Stern devant un parterre d’étudiants, de politiques (de Lionel Jospin à Dominique Perben) et de moult spécialistes, universitaires et experts.
Nick (tout le monde lui donnait du Nick) a exposé les conclusions de son rapport éponyme, à savoir notamment que, passé au crible du prisme de l’économie du risque, le coût de l’inaction (5 500 Milliards d’euros) sera bien plus élevé que l’investissement demandé (1 % du PIB) pour réduire nos émissions de Gaz à Effet de Serre.
Petit verbatim, commentaires et sélection très subjective de certains des propos de Nick et des « discutants » de ce colloque …
Sir Stern a beaucoup parlé (parié ?) de séquestration de Co2 alors que les techniques industrielles de séquestration sont encore loin d’être efficaces (cela a d’ailleurs été rappelé par le Professeur Claude Henry) et que les forêts ont parfois montré leur limite comme puits de carbone (Climatmundi exclue par exemple la plantation d’arbres dans ses actions de compensation de Co2).
Il a aussi beaucoup été mis en exergue la nécessité impérieuse des percées et ruptures technologiques. Attention aux mots : autant je suis convaincu que l’efficacité énergétique est l’une des parties de la réponse au problème, autant il ne me semble pas sérieux de baser principalement notre réponse sur des ruptures technologiques, par principe hypothétiques. D’où l’attrait du scénario négaWatt qui parvient au facteur 4 (diminution par 4 des GES en 2050 ndlr) sans avoir recours ni aux ruptures technologiques ni au nucléaire, ce qui n’est pas l’avis de Christian de Boissieu, Président du groupe Facteur 4, qui indiquait qu’«il faut consolider le socle nucléaire».
Message d’espoir ensuite, repris par d’autres discutants : la Chine s’éveille … et se donne déjà dans son 11ème plan quinquennal des objectifs importants et ambitieux ; de même que les Etats-Unis qui, même s’ils ne signent pas le protocole de Kyoto, commencent, à l’échelle des Etats ou des villes, à prendre des mesures comme à New York ou en Californie.
A la question posée du thème de cette conférence «le défi climatique : une opportunité pour l’Europe ?» il a clairement été répondu que l’Europe était déjà un leader sur la question et que le sujet de l’environnement pouvait être un ciment dans la reconstruction de celle-ci.
Autre consensus exprimé (mais on le dit maintenant y compris à Davos et même Jean-Marc Sylvestre en semble convaincu, alors !) : la limite de l’économie de marché. Il faut «corriger la défaillance du marché» (Nick Stern) en revenant au principe du pollueur-payeur, «le réchauffement climatique, c’est le problème de notre modèle économique depuis la révolution industrielle» (Pierre Alain Muet) ; «Kyoto, c'est la date d’entrée dans un monde de re-régulation, dans un monde fini»...«d’un retour à la planification» (Pierre Radanne).
Nathalie Kosciusko-Morizet rappela une conclusion d’un rapport parlementaire auquel elle avait participé : «nous avons une fenêtre de tir de 10 ans pour résoudre le problème (du réchauffement climatique) de façon démocratique …».
Mais ce sont les propos de Pierre Radanne (ancien directeur de l’ADEME) qui m’ont le plus touché car ils replacent l’homme au centre de la réflexion. Avec l’art des formules qu’on lui connaît, il a insisté sur le (changement de) comportement. «C’est un problème d’opinion publique» … «il faut obtenir l’adhésion d’un maximum de citoyens» … mais il faut que «l’effort soit partagé» … «je fais, si tu fais, si nous faisons tous», d’où l’importance de «l’exemplarité de l’action publique» (dont semblait douter quelque peu le Professeur Claude Henry ).
Le mot de la fin fut sûrement aussi de Pierre Radanne qui, expliqua que le sentiment de «déprime» que nous pouvons ressentir devant ce défi et cette nouvelle ère qui s’ouvre, est naturel et qu’il en a toujours été ainsi dans l’histoire des civilisations, comme par exemple à la fin du moyen-âge : «on sait ce qu’on quitte» pour pénétrer une époque inconnue. Il cite alors Kant pour répondre au «pessimisme de la raison ... qui ne sert à rien» par «l’optimisme de la volonté» !
Publié dans une version initiale le 7 février sur mon autre blog d'Economie matin.fr
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